Nager. C'était encore et toujours la chose qui le détendait le plus. Quand il enchaînait les longueurs, il oubliait tout le reste. Il n'y avait que l'eau qu'il traversait, que les mouvements puissants à continuer, la chaleur qui l'envahissait. C'était vraiment ce qu'il aimait. Et puis, au moins, à cette heure-ci, il était tranquille, il n'y avait pas de cours, pas de clubs, et il avait obtenu une dérogation pour pouvoir nager seul. Il s'en félicitait. Cela lui évitait les crises de nerf. Et depuis la rentrée, beaucoup s'étaient tout de même produites. Trop de choses avaient changé. Trop de gens lui tournaient à présent le dos.
Impulsion contre le mur. Nouvelle longueur. Il avait déjà fait un bon kilomètre. Il en ferait sans doute deux ou trois en tout. Il fallait cela pour garder le rythme, la musculature nécessaire, et l'endurance. Il ne voulait pas perdre la chance d'obtenir une bourse d'étude grâce à ses talents de nageur. Il se devait de rester le meilleur. Sinon, il pouvait d'ores et déjà dire adieu à ses perspectives d'avenir et apprendre à dire : « Bonjour, bienvenue chez Mc Donald's. » Franchement, il préférait encore nager des heures !
Il aurait continué sa routine aquatique encore quelque temps, mais lorsque sa tête émergea lors de sa longueur de brasse coulée, il aperçut quelqu'un sur le bord de la piscine. C'était sans doute quelqu'un qu'il connaissait, ou l'entraîneur. Bref, il termina sa longueur rapidement, et dès que ses pieds touchèrent le carrelage du fond de la piscine, il retira ses lunettes. Le changement de luminosité, les vapeurs de chlore, et l'eau qui dégoulinait de ses cheveux lui firent plisser les yeux. Il n'identifiait vraiment pas à qui appartenait cette silhouette. Sa myopie n'allait définitivement pas en s'arrangeant. Il prit appui sur le bord de la piscine, et après une impulsion bien dosé, sortit de la piscine avec une grâce toute relative. On a beau faire ça tous les jours, on ressemble quand même à un carpeau sortant de l'eau. Mais il se releva dignement, allant vers sa serviette en premier lieu.
« Salut... Je peux t'aider peut-être ? »demanda-t-il alors qu'il jetait sa serviette sur ses épaules, et s'avançait vers la personne.
A quelques mètres d'elle, il reconnut Jordan Lutz ? Qu'est-ce que ce type bizarre pouvait bien lui vouloir ? Ce n'était pas spécialement qu'il le craignait, mais si c'était pour qu'on lui serve un discours moralisateur et religieux sur sa vie amorale, il s'en serait bien passé...