Tu ignores le vide devant toi, les vertiges et la peur tu connais pas... Seule au milieu des loups, tu t'enfonces au bord des précipices. Dans la cité perdue, au travers de la nuit, toi tu vas bien. En travers la douleur et la mélancolie, tout ira bien. Neva & Jay
   
   

C’est fou à quel point les gens peuvent être cruel de nos jours. Les jeunes entre eux, surtout (c’est drôle de les appeler les jeunes, alors que j’avais leur âge il y a trois ans, comme si depuis, j’étais rendu vieux). Tous les jours, je suis témoin de toutes sortes de choses. Des ados qui bousculent le petit dodu de leur classe, la fille qui en gifle une autre pour avoir couché avec son mec. C’est désolant, non? À mes souvenirs, on n’était pas à ce point-là violents! Puis il y en a d’autres qui préfèrent la violence psychologique du genre : on se met tous en bande et on rit de lui. La plupart du temps, ils s’en prennent au plus faible. Le petit qui ne dira rien, qui se laissera faire. C’est fou, non? Et moi, je vois ça et sans rien faire. Je me sens lâche. Je sais que ce n’est pas bien et encore moins bien de regarder sans rien faire. Je fais partie des enseignants, maintenant, j’ai ces responsabilités.
J’observe le groupe de mec sortant d’une salle de cours. Ils semblent tous bien rigoler. Je me demande de quoi ils rient. J’en reconnais certains de l’équipe. J’espère qu’ils ne se moquent pas de quelqu’un. Puis, je vois la scène qui me dévoile tout d’un seul instant. Une fille sort des toilettes, la tête baissée. Elle passe devant le groupe et ils se mettent tous à rire en la pointant du doigt. Plus loin, la fille ouvre son casier, elle les entend rire, c’est certain. J’écoute attentivement leur conversation. Ils parlent d’une photo. Une photo d’elle. Incapable d’en entendre plus, j’hésite à m’avancer. Si je m’avance, ils vont remarquer que je les écoute. Mais, je n’ai pas le temps de réfléchir que la cloche sonne. Tranquillement, les garçons quittent le corridor se rendre à leur prochain cours. Et moi je reste là. Je me mets à penser. Ils se moquent de cette fille pour une photo d’elle? Cette photo en question a l’air de les faire bien marrer. Et pas elle. D’ailleurs, elle est encore là, à son casier. Je m’avance vers elle et lui dit : « Tu n’as pas de cours ? » Elle a sans doute fait le saut, mais heureusement, je n’ai pas parti la conversation sur la photo, de peur qu’elle parte.