Behind the computer

☮ pseudo: bubble ☮ âge: ici  ☮ pays: E. pour le continent  ☮ comment as tu connu we could be heroes?: Partenariat   ☮ ton avis: Il a l'air génial. vraiment.☮ dernier mot: Ah, les années 90... ☮ crédits gif, icon et avatar: .reed, Keysmashing, Unicorn

Autour de moi, la foule s’amuse et nous, entraînés par la liesse environnante - et surtout par mon morceau préféré - nous dansons en rythme. Dieu que j'admire ces artistes. Ils semblent tous vivre sur une planète différente de la mienne, une planète où je voudrais parfois faire escale. Une planète où l’air à respirer est fait de beauté. J’aimerais, moi aussi, pouvoir trouver de la poésie en toute chose. D’ailleurs, j’ai longtemps touché du doigt le rêve d’être musicien. Quoi de plus beau que faire chanter et danser le monde ? Quoi de plus valorisant que créer, de ses doigts, de la musique ? À mes yeux, rien. À ceux de mon père, tout vaut mieux que saltimbanque : « Quel intérêt à gratter un bout de bois ? Sérieusement ? » méprise-t-il souvent quand je m’enferme dans ma chambre avec ma guitare. Je ne m’en offusque pas pourtant. Le temps m’a appris à accepter et, surtout, à me plier aux exigences de mon modèle : mon paternel. Bien qu’il boit souvent, s’énerve quelquefois ou découche parfois, il jouit d’une force de caractère que je lui envie. Certes, je n’en manque pas vraiment, du moins, pas tout à fait. Ma réputation prête à mon comportement l’insolence de mon âge et il n’est pas rare que mes proches, en toute discrétion, me qualifient d’irresponsable imprévisible appréciant trop les femmes. C’est vrai, je suis un amoureux de la gent féminine. Les filles, elles me captivent. Tantôt persévérantes, tantôt fragiles, tantôt tendres, tantôt hostiles, elles sont le paradoxe de tous les hommes et je ne fais aucunement exception. Leurs mystères me fascinent et plus elles m’intriguent, plus je m’échine à les vouloir miennes. Pas longtemps cependant. Le bât blesse dès la première dispute. Les cris, les larmes, la jalousie, ça m’exaspère rapidement. Ainsi, je romps et, sans grand scrupule, je crie : « Suivante ! » Je ne suis tout simplement pas prêt. Je ne cherche ni à aimer ni à me caser. L’exemple, à la maison, n’est pas assez réjouissant pour que je nourrisse en mon sein le désir fou d’être un mari précoce. Je crois, sans condescendance, que la faute revient largement à mes parents qui, maladroitement, m’offrent la place détestable de témoin à chaque dispute.

Mariés depuis près de 23 ans, mes parents respectent à la lettre le contrat de mariage qu’ils signèrent devant ce Dieu auquel je ne crois pas vraiment. Or, le sort ne les a jamais épargnés. Victime de son accouchement, ma mère se retrouve clouée à un fauteuil roulant et perd son emploi d’infirmière. « Qu’à cela ne tienne, j’irai travailler. Et ta mère viendra te donner un coup de main avec le petit. » déclara vertueusement mon père qui, pour le bien de sa famille, renonça à une grande carrière de footballeur sans jamais s’en plaindre. Moi, je sais qu’il en souffre encore aujourd’hui. Au contraire, pourquoi me pousserait-il à marcher dans ses pas ? Pourquoi m’encouragerait-il au point d’oublier l’importance d’obtenir une note correcte dans les matières principales ? Certains prêteraient à son geste de la normalité. Personnellement, je l’admire sincèrement pour cet abandon de lui-même. Je crois même que, d’une certaine manière, je lui suis reconnaissant pour ce sacrifice. Néanmoins, mon manque de maturité m’empêche de comprendre comment, par amour, on peut sacrifier ses rêves ? Est-ce ça, être un homme ? Est-ce s’oublier pour les siens ? Est-ce aimer jusqu’à la déraison ? Franchement, je n’en sais rien. Je divague en supposition en chérissant mon statut d’adolescent. Je ne suis pas pressé, moi. J’ai tout mon temps. Je suis un ignorant également, un inculte de l’amour avec un grand A. Ma première – seule – histoire comparable aux films d’amour genre « un été en Louisiane » de Mulligan a duré une saison. Les vacances sont propices aux grands sentiments : la plage, les filles bronzées en bikini. Tout est prétexte à s’égarer en nobles émois. Je n’ai pourtant souffert d’aucun douloureux retour à la réalité. Le téléphone, ça coûte cher. Le train aussi. Je n’avais pas vraiment les moyens d’entretenir une relation à distance. Il me plait de croire que mon désir de rupture était réciproque. En réalité, sa première correspondance a fait lettre morte.

« Alors ? » m’a demandé mon père tandis que je grimpais dans la voiture. Spectacle terminé. J’allais rentrer chez moi quelques étoiles dans les yeux et un soupçon de nostalgie au fond du cœur. En attendant, je profitais des restes de cette effervescence en glissant la cassette audio dans le poste usé de mon père. « C’était génial. » déclarais-je en augmentant le volume. Mes oreilles bourdonnaient encore, et pourtant, je n’étais pas tout à fait rassasié, contrairement à mon père qui, l’air taciturne, coupa le volume après avoir démarré la voiture. « Je voudrais discuter avec toi » m’a-t-il alors lancé, la mine défaite. Je craignais la mauvaise nouvelle. « Maman est partie ? » Persuadé qu’un jour, ma mère abandonnerait le foyer familial, il ne tinta aucune anxiété dans mon timbre. Physiquement diminuée, elle n’est pas vraiment heureuse, elle nourrit une dépression sans précédent et elle enferme ses sentiments dans des camisoles chimiques. A l’entendre si souvent me répéter qu’elle finirait par s’enfuir, j’avais fini par me préparer à cette éventualité. « Mais non, pourquoi voudrais-tu qu’elle s’en aille ? » s’insurgea alors mon père inconscient du mal rongeant son épouse. La communication n’a jamais été la spécialité de Charmichael. Sans doute est-ce pour cette raison que je fuis toutes formes de polémiques avec les filles. Le jeu est un mode de jeu, et ma seule règle, c’est faire chier le monde, pas d’entreprendre de longues et pénibles discussions. Ainsi, pour toutes réponses, je haussai les épaules en soupirant. Puis, je me suis enfoncé dans mon siège. Pourquoi faut-il qu’il gâche mon moment d’extase. « J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Et, je vais commencer par la bonne. » commença-t-il d’un ton trop solennel. S’il cherchait à attirer mon attention, je dois admettre qu’il y est parvenu sans grande difficulté. Ma tête pivote et je lui tends l’oreille. « J’ai eu une promotion. Une belle promotion. Voiture de fonction… ce qui voudra dire que le pick-up sera pour toi. » J’affichais un sourire mi-figue mi-raisin. La mauvaise nouvelle suivait, je le sentais aux tremblements dans la voix de mon père. « Mais, on va devoir quitter Memphis… Je sais que tu te sens bien ici, que c’est chez toi et que tu as tous tes copains ici. Mais, c’est une chance pour nous. On va vivre beaucoup mieux. On va pouvoir quitter l’appartement pour emménager dans une maison… avec un jardin et tout le tralala » Je n’aurais su dire lequel de nous deux il cherchait à convaincre. Ses palabres, cousues de fil blanc, me filait tout simplement la nausée. « TU TE FOUS DE MA GUEULE ? » hurlais-je en oubliant toute réserve. « Mais, on va parti où ? Moi… j’ai… Non… je ne peux pas aller m’installer chez Tante Felicity ? Je suis sûre qu’elle m’accueillerait. » Tandis que je protestais toujours, son silence noir m’astreint au silence. Ma frustration est telle que je n’ose un mot complémentaire durant tout le trajet. Je tire la gueule. Je boude comme un enfant à qui on retire une sucette. « Je m’en fous, vous allez où vous voulez, moi je reste là. Je me casse pas de là. T’es pas sérieux. Vraiment. Tu es complètement fou… » renchéris-je tout de même en arrivant devant l’appartement où nous nous entassions depuis des années. « Hé, deux couilles plus bas que celle d’un chat pour mon garçon… de toute façon, tu n’as pas ton mot à dire. Et, je suis certain que tu te plairas. Tu es juste trop buté pour voir la chance que ça représente.»  

Et quelle chance ! À peine arrivé, j’écopai d’une popularité florissante – sans doute due à mes résultats dans l’équipe de foot et, ne crachons pas dans la soupe, à mon physique – et d’un œil au beurre noir à camoufler pour quelques baisers échangés avec une meneuse de claque. Certes, je dois bien admettre qu’elle dégage un « je ne sais quoi » d’intrigant. D’après les bruits de couloir, paraîtrait même qu’elle en est une d’intrigante. Moi, de ma faible expérience, j’en doute sérieusement. BB – impossible de connaître son véritable prénom – elle semble prête à donner sans concéder davantage qu’un espoir. La preuve étant, elle se contracte si des mains – en l’occurrence les miennes – musardent trop hardiment sur son corps de déesse. Car, elle est belle bb. Elle est lumineuse et souriante. La petite brune aux expressions malicieuses, à la fluette silhouette d’oie blanche, aux longs cheveux foncés et soyeux, est de loin la plus charmante et la plus déroutante des jeunes filles du lycée. Je n’en avais, jusqu’alors, jamais contemplé d’aussi magnétique et d’aussi admirée par tous. BB, le monde est à ses pieds. Le monde danse comme elle chante et moi, je m’en fous. Pas d’elle. Non. Je crois même que, quelquefois, je cherche sa compagnie. Moi, je me moque éperdument des considérations des autres joueurs. Tant qu’il s’ourdira en moi tant d’attraction, elle sera – pour un temps, un temps seulement – une obsession.