Behind the computer

pseudo: mischievous wink, appelez moi Maude.   âge: 18 ans   pays: France.   comment as tu connu we could be heroes?: bazzart   ton avis: simpl,e chouette, ouvert   dernier mot: mot crédits gif, icon et avatar:atomic squirrel, tumblr, sae

Quand j'étais en primaire, on nous demandait de présenter notre famille. A l'époque, je disais :  il y a papa, il est pas souvent là parce qu'il veille sur le tout le pays. Après, il y a maman, elle est jolie, et elle sent bon, c'est pas que moi qui le dit. Y'a mes grands parents, c'est un peu la même personne tous les deux. Maman a perdu ses parents, il y a peu de temps, elle pleure encore, des fois. Elle était fille unique, alors si elle nous avait pas, elle aurait pas grand monde. Papa, il a un frère, qui est marié et a une fille, ma cousine, mais ils sont pas comme nous, je le sais parce que papa et maman baissent toujours d'un ton quand ils en parlent. Et puis, il y a moi.
Aujourd'hui, il m'arrive de chérir avec nostalgie cette vieille pensée, ces vieilles idées. On est naïf, quand on est enfant. On a une vision différente de la réalité.
Aujourd'hui, si on me demande de présenter ma famille, je dirais : il y a mon père. On lui a donné le permis de tuer, et comme ça lui plaît il va faire ça ailleurs. Il y a maman, qui s'acharne a courir après sa jeunesse fanée, après sa beauté rayée. Elle a trop pleuré lorsqu'elle était en âge de faire se tourner les têtes, elle dit. Elle a fait tous les concours de beauté possibles et imaginables. Il y a le fantôme du frère et de la belle soeur de papa qui planent sur nous, papa blâme souvent son frère d'avoir été alcoolique et le considère responsable de l'accident de voiture qui les a tués. Sauf que c'est pas lui qui conduisait. Je le sais parce qu'Ebony me l'a dit. Ebony, c'est ma cousine. Elle vit avec nous, maintenant. On est sa seule famille. Et là où tout le monde s'acharne à faire de sa mère une victime, elle m'a avoué, les poings serrés et les sourcils froncés qu'elle, elle a toujours préféré son père. Sa mère, c'était une connasse, jusqu'au bout.
Et puis, il y a moi.

Moi, c'était la fille sans histoire, un peu coincée, qui lisait dans son coin. Moi, c'était celle qui avait plus d'amis que d'ennemis, qu'on ne connaissait pas forcément, qui s'effaçait. Assise au milieu des salles de classe, celles dont les profs se rappellent le nom au bout de deux mois de cours, une petite vie normale, un train-train régulier. Il y avait ce mec qui m'avait draguée un peu, et mal à l'aise, je l'avais envoyée bouler. Pourtant, j'aurais aimé être avec lui, je pense. Il n'a pas insisté, se contentant de rire et de me traiter de frigide. La coincée. Alors, on a vraiment commencé à ne pas s'aimer. C'était pas cette haine dégueulante dont tout le monde finit par être au courant à coup de cris et de sang, juste un désaccord de personnalités ; et du coup, on s'évitait. C'était à peine des pics, juste des soupirs exaspérés quand l'un gênait l'autre ou des yeux au ciel et des ricanements que seul l'autre pouvait entendre lorsqu'il disait quelque chose de débile. Des regards, aussi. Des regards qui veulent tout dire, une petite moue dégoûtée et on avait gâché nos journées. Lui, il faisait du bruit, il draguait les minettes et elles gloussaient. Je me disais que si j'avais gloussé, ça aurait été autrement. Différent. Pas forcément mieux. Peut-être même que je l'aurais encore plus haï. J'aurais été capable de lui donner mon coeur et d'oublier de le reprendre.
Peut-être qu'au final, on aurait du tout faire pour s'entendre.
Parce qu'Ebony est arrivée. Au début, elle ne m'aimait pas trop. Moi non plus. Elle devenait la préférée de mes parents, elle me semblait fausse, toujours désolée, capable d'embuer ses yeux en une seconde et de les assécher tout aussi vite. Elle avait essayé de m'amadouer comme elle l'avait fait pour mes parents, mais ça n'avait pas pris. Et bizarrement, c'est grâce à ça qu'on s'est rapprochées. Elle m'a remerciée, plus tard, de ne pas l'avoir vue comme une petite chose fragile qu'il faut éviter de froisser, au risque qu'elle s'effondre. Elle avait besoin de force et d'indifférence, et dans mon égoïsme je lui en avais donné. Papa n'avait jamais passé autant de temps à la maison, pas même quand, gamine, je m'étais cassée le bras.
L'autre point positif, c'est que maman avait trouvé une nouvelle cible à pomponner à essayer d'emmener avec elle dans tous ces concours et trucs de charité forcée. Mais là encore, Ebony n'avait qu'à faire une petite moue triste, à lui dire qu'elle était une maman super chouette, et ma mère n'insistait plus.
Mais en dehors de ça, Ebony c'était une meneuse. Elle s'est intégrée au lycée en à peine deux semaines ; on restait beaucoup ensemble, évidemment, mais elle m'a présenté à des tas de gens et maintenant, elle en connaît plus que moi.
J'ai compris jusqu'à quel point elle était sociable le jour où je l'ai vue  en train de parler avec lui. Je ne lui avais pas dit qu'on ne s'entendait pas avant qu'elle aille lui parler, mais ça m'a fait un choc, je dois dire. Est-ce qu'il allait lui sortir le même baratin qu'à toutes les autres filles - et à moi ? Est-ce qu'elle, elle allait céder ?
J'étais en colère. Contre lui, bien sûr. Me dire jalouse était inimaginable. Il l'est toujours. Je ne suis pas jalouse. Je trouve juste ça absurde. Et chiant. Il se conduit comme un gosse.
Hey Debbie ! Tu tombes bien, on vient juste d'être invitées à une soirée chez lui, il savait pas qui t'étais. Eh bah voilà, elle, c'est ma cousine, Debbie.
Je l'ai fusillé du regard. Lui, pas elle. Pas besoin de savoir pourquoi, c'était comme ça, depuis que je l'ai envoyé boulé. Lui, ça a eu l'air de l'amuser. Une soirée avec la coincée, quoi de plus drôle, en effet ?!
Ma cousine a tout de suite compris l'animosité entre nous. Quand elle m'a demandé pourquoi, j'ai pas su lui répondre. C'est vrai ça, pourquoi on se déteste au fond ? Je le comprends pas. Et pour tout te dire, j'ai pas vraiment envie de le comprendre. Elle a hoché la tête. Je ne lui ai pas demandé de s'éloigner de lui - de quel droit l'aurais-je fait ? - et ils ont fini par être amis, détournant cette pseudo-drague qui n'a abouti à rien.
Et, à mon plus grand malheur, il est devenu en quelque sorte son meilleur ami.
Le genre de meilleur ami qui tombe toujours mal, toujours bien pour m'emmerder. Il passe trop tôt le matin où j'ai décidé de m'accorder une grasse matinée, et est la première personne que je vois lorsque je sors de mon lit pour aller petit-déjeuner, habillée en short trop court et débardeur trop léger. Il a ce sourire narquois et ses yeux qui semblent voir sous mes vêtements lorsqu'Ebony oublie de me prévenir qu'il s'invite avec nous au centre commercial et que je cherche des sous-vêtements. Il arrive au moment de la soirée où je commence à tituber sans pour autant être complètement bourrée et m'emmerde avec ses "oooh, t'es sûre?" sarcastiques quand je lui dis que je sais ce que je fais. Et, sans que je sache comment il fait, quand un mec commence un peu à s’intéresser à moi, il s'immisce toujours entre nous. Pour ça, il a un espèce de sixième sens :  "Debbie se fait draguer, empêche-là d'être potentiellement heureuse, dépêche toi. Elle est au fond, tout à gauche, sur le vieux fauteuil".
Sérieusement, je suis presque certaine qu'il a un truc comme ça. Des fois, c'est utile. Quand Ebony a disparu et qu'un mec bourré vient s'affaler à côté de - et un peu sur - moi. Comme il sait que je suis "coincée", comme il dit, il en profite. Il laisse ses mains traîner sur mes cuisses, un peu. Un peu trop, je lui dis après. Mais non, tu connais pas Debbie, faut pas s'y prendre comme ça. Debbie c'est pas qu'elle est frigide, mais juste un peu coincée. Elle attend le prince charmant, la pauvre enfant.
Il envahit mon espace vital. Déjà lorsqu'il me touche de cette façon, mais c'est aussi ses phrases de provocation susurrées à un centimètre de mon visage, ce stupide narquois aux lèvres, c'est un bras autour de mes épaules lorsque je lui dis qu'il m'exaspère, coupée par son rire. Une main aux fesses, quand il considère que je m'endors. Sa main qui triture mes cheveux, quand lui est en train de s'endormir - parce que, sans qu'on puisse l'expliquer ni l'un ni l'autre, on se retrouve toujours côte à côte. Et puis un baiser, une fois. Une seule, il y a quelques jours. Un sale coup d'Ebony, si vous voulez mon avis. Il avait bu, pas moi - je ne bois jamais beaucoup, je dois surveiller ma cousine et conduire la plupart du temps - et cette imbécile l'a tout d'un coup poussé sur moi, alors qu'on était dans la salle de bain à... je ne sais plus à quoi, mais on était que trois dans cette pièce. Bordel, roulez vous un patin et atténuez cette tension sexuelle ! Et lui, comme un abruti, il l'a fait. Ne jamais se fier à Ebony. Jamais. (ni à mon corps). J'aurais voulu lui arracher les tripes, mais lorsque nos lèvres se sont décollées, elle était déjà partie depuis un moment.